Parlons Forme #016 : Ces aliments ultras transformés qui nuisent à notre santé

Trop de sel, trop de sucre, trop de mauvais gras, trop d’additifs alimentaires… Trop, trop, trop !

Les aliments ultras transformés ont envahi les étals de nos supermarchés et par la même occasion les étagères de nos placards et réfrigérateurs.

Au cours des dernières décennies, l’industrie agroalimentaire et les petits chimistes des laboratoires ont développés de milliers de produits ayant pour but de rendre consommables des produits qui ne devraient pas ou plus l’être.

Conservateurs, émulsifiants, épaississants, exhausteurs de goût et autres édulcorants sont utilisés pour créer des produits (je n’ose pas trop dire « aliments ») à moindre coût se conservant longtemps.

S’il est nécessaire d’utiliser tous ces artifices, c’est parce que bien souvent ces produits sont réalisés à partir de matière première de mauvaise qualité, sans goût ni intérêt nutritionnel.

Malheureusement, au cours de cette même période on ne peut pas dire que globalement la santé et la forme des populations consommant ce type de produits vont dans le bon sens.

Au cours des 60 dernières années, il y a eu une explosion des maladies dites « de civilisation » telles que :

  • Le surpoids et l’obésité
  • Le diabète
  • L’hypertension
  • Les cancers
  • Et autres maladies neurodégénératives…

Est-ce que le développement de ces maladies est lié à la consommation de produits ultras transformés ?

Difficile de l’affirmer de façon claire.

Cependant, les courbes qui évoluent en parallèle, que ce soit les pays dits développés et dans les pays en voie de développement, laisse à penser qu’il a tout de même un lien étroit.

Face à ce constat, que faire ?

Anthony Fardet, auteur du livre « Halte aux aliments ultras transformés ! Mangeons Vrai » propose une solution qui est pleine de bon sens et qui s’inscrit dans une vision globale respectant à la fois :

  • Le consommateur
  • Les producteurs
  • Et l’environnement

Je vous invite à découvrir tout de suite son point de vue dans ce podcast.

Bonne écoute !

PS : Si vous voulez découvrir la « face cachée » de l’industrie agroalimentaire de l’intérieur, je vous invite à lire le livre « Vous êtes fous d’avaler ça ! » de Christophe Brusset… certaines anecdotes font réellement froid dans le dos !

Au sommaire du seizième épisode de Parlons Forme

Dans cet épisode vous allez découvrir

  • Quel est le parcours d’Anthony Fardet ?
  • Pourquoi l’identification des aliments ultras transformés est-elle importante pour notre santé ?
  • En quoi consiste le principe de réductionnisme et de l’holistique ?
  • Quels sont les différents niveaux de transformation qui peuvent exister et comment classer un aliment ?
  • Que pense Anthony Fardet du nouveau dispositif Nutri-score imposé par l’État français ?
  • Quel est l’équivalent au Nutri-score qui prend en compte une vision plus globale d’un aliment ?
  • Les 3 règles d’or d’Anthony Fardet pour une alimentation à la fois saine, éthique et durable.
  • Et beaucoup d’autres choses…

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Découvrir une autre discussion passionnante

En complément de cet épisode, je vous invite a (re-)découvrir cette discussion avec Jérémie Mercier où nous parlons des secrets des centenaires en bonne santé.

En effet il existe quelques endroits dans le monde où la proportion de centenaires en bonne santé est bien supérieure à la moyenne. Ces zones sont étudiées depuis 20 ans maintenant et 9 « critères » favorisant cette bonne santé ont été identifiés.

Découvrez-les grâce à cette discussion avec Jérémie… vous allez voir que cela rejoins grandement les propos d’Anthony Fardet !

Episode à écouter ci-dessous ou téléchargez-le au format MP3 (Clic droit / Enregistrer sous…)

Accéder aux notes de cet épisode

Xavier : Bonjour Anthony et merci d’avoir accepté mon invitation pour ce podcast.

Anthony : Bonjour ! Merci de votre invitation.

X : Alors Anthony vous êtes l’auteur du livre « Halte aux aliments transformés ! Mangeons Vrai » et on va prendre le temps de parler de tout ça au cours de cet épisode. Mais, d’abord, pourriez-vous nous en dire un petit peu plus sur votre parcours afin qu’on comprenne un peu mieux ce qui vous a conduit à écrire cet ouvrage ?

A : Oui, alors en fait je suis de formation ingénieur agroalimentaire de l’Agro ParisTech où je me suis spécialisé en sens des aliments et nutritions. J’ai fait une thèse en nutrition humaine à l’Université d’Aix Marseille et à l’INRA. Aujourd’hui, ça va faire 21 ans que je fais de la recherche en alimentation préventive. Ce qui m’a poussé à écrire ce bouquin, tout a commencé vers 2011, si vous voulez c’est parti d’un constat où je me posais des questions pourquoi malgré 150 ans de recherche en nutrition (puisque la recherche en nutrition a commencé vers 1850 avec la découverte des calories puis les protéines, etc.), pourquoi malgré tant de données cumulées, pourquoi malgré tout l’espérance de vie en bonne santé en France et dans d’autres pays occidentaux notamment n’augmente pas ? Pourquoi on vit de plus en plus longtemps, mais de plus en plus longtemps malade en fait ?

Donc ça, c’était la première question. Je me suis interrogé sur la validité des recommandations nutritionnelles qui étaient données aux populations. Et en faisant un calcul assez simple et puis en lisant la littérature scientifique, on constate que, la mauvaise alimentation, directement et indirectement, est la première cause de mortalité en France. La mortalité précoce. Donc ces 2 constats m’ont amené à me dire qu’il doit y avoir quelque chose qui ne va pas. Est-ce qu’il faut continuer comme on fait depuis une quarantaine d’années, depuis qu’on fait de la recherche en alimentation préventive ? Ce qui correspond à peu près à l’apparition et à l’explosion des maladies chroniques il y a une quarantaine d’années. Et est-ce qu’on continue comme ça ou est-ce que c’est finalement ce logiciel de base qui ne va pas ? Et à force de creuser, on finit par trouver. Je me suis intéressé à la philosophie de l’alimentation et c’est là que j’ai lu 2 ouvrages qui m’ont beaucoup inspiré et qui ont aussi servi de base aussi à ma réflexion.

 Le premier ouvrage c’est Gyorgy Scrinis, un enseignant chercheur australien qui a écrit « Nutritionism » qui veut dire réductionnisme nutritionnel en français. Et il explique comment la recherche en nutrition, depuis 1850, est totalement baignée du réductionnisme. Pour faire simple, on a réduit l’aliment à une somme de nutriments et de composés. C’est-à-dire que, c’est la culture occidentale qui est beaucoup basée sur le réductionnisme. L’idée c’est de dire puisque la réalité est trop complexe pour l’étudier telle qu’elle, on va la fractionner en entité isolée et on va étudier les parties. Donc c’est ce qu’on a fait avec les aliments, on a étudié les parties des aliments une par une (calorie, protéine, lipide, vitamines, etc.). Puis on a été tellement loin dans cette approche, qu’on s’est un peu fourvoyé et un peu noyé dans cette approche qui est quasiment devenue dogmatique, c’est-à-dire au point qu’on en est venu à faire des recommandations sur les nutriments isolés alors qu’on mange les aliments et on ne mange pas des nutriments. Et on en est venu finalement à essayer de généraliser pour la société des recommandations à partir de résultat scientifique partiel ou spécifique basé sur les nutriments.

Et j’ai lu un deuxième bouquin de Kevin Campbell qui est un chercheur en biochimie nutritionnelle américain qui est aujourd’hui à la retraite qui s’appelle « Whole » (qui veut dire entier, complet en anglais). Celui-ci développe aussi le concept d’holisme (il a fait un jeu de mot avec « whole » et « holism » en anglais qui veut dire holisme. Il explique très bien aussi comment le réductionnisme nous a fourvoyés quand il est poussé à l’extrême, et qu’il faut vraiment revenir vers des approches plus globales et considéré l’aliment dans sa complexité, d’où le terme « whole ».

Donc il y a eu ces deux personnes qui m’ont beaucoup inspirées et ça m’a amené aussi à m’intéresser à la classification des aliments et à me demander si elle était pertinente pour les recommandations. Et là j’en suis arrivé aux travaux de Carlos Monteiro au Brésil, qui est un épidémiologiste en santé publique, un chercheur à l’Université de Sao Paulo. En fait c’est les premiers au monde à avoir proposé une nouvelle classification des aliments basés sur le degré de transformation. C’est-à-dire que le lien avec la santé n’est pas dans les aliments tant que tels, que nous fournis la nature, mais vraiment dans le degré de transformation. Pour faire simple, ce n’est pas pareil pour la santé de consommer une pomme entière, une compote de pommes ou un jus de pomme. Et si vous voulez, ces 3 personnes qui m’ont inspiré, j’ai fait le lien entre pensées réductionnistes, aliments transformés qui sont justement des aliments fractionnés et ensuite recombinés à partir de nutriment et d’ingrédients isolés et l’explosion de la maladie chronique. Donc c’est cette équation en fait qui a été le déclic de tout. Et là j’ai compris que si on continue dans le réductionnisme nutritionnel comme on le fait aujourd’hui, non seulement les épidémies de maladies chroniques ne vont pas cesser, mais elles vont continuer à augmenter et on va dans le mur.

C’est là que tout a commencé, c’est sur la base de ces réflexions qu’en 2017 je me suis senti mûr pour écrire un ouvrage parce que je ne voulais pas le garder que pour moi et la communauté scientifique. Mais je trouvais ça vital de le communiquer à la société puisqu’un chercheur doit aussi avoir un engagement sociétal, un rôle de vulgarisation (ça fait partie de nos attributs). Et voilà, toucher les consommateurs, les plus jeunes, enfin toutes les personnes de la société pourquoi pas aussi la politique. Pour faire part en fait de cette découverte et de présenter à la société ce nouveau logiciel, c’est-à-dire qu’il faut continuer à faire de l’alimentation préventive, mais non pas sur le logiciel « Réductionniste », mais en intégrant ce nouveau logiciel « Holistique ». C’est-à-dire de raisonner sur l’aliment dans sa complexité et non plus sur les nutriments.

D’ailleurs, ils ont très bien fait les Brésiliens, puisqu’en 2014, ils ont été les premiers au monde à publier au niveau national les recommandations nutritionnelles qui s’affranchissent totalement des nutriments. Ils ne parlent pas des nutriments, mais ils parlent d’aliment dans leur complexité, de degré de transformation, du bien vivre ensemble l’importance de manger, de cuisiner. Donc toutes les dimensions de l’alimentation qui ne sont pas toujours prises en compte et qui renvoient donc à une approche très holistique en fait de l’acte de manger. Et on s’aperçoit que quand on raisonne au niveau de l’aliment, et bien on a plus besoin de trop se préoccuper finalement des nutriments. Il suffit d’obéir à quelques règles très simples pour manger correctement, protéger l’environnement en même temps, mais je pense qu’on aura l’occasion d’y revenir. Voilà à peu près l’environnement qui m’a amené à écrire ce bouquin et les 3 personnes qui m’ont inspiré.

X : Effectivement si on va parler de beaucoup de principes et de concepts que vous avez pu évoquer dans cette petite présentation, mais finalement il y a quelque chose qui m’a un peu marqué quand j’ai commencé à m’intéresser à votre livre c’est que, quand on revient au titre de cet ouvrage qui est « Halte aux aliments transformés ! Mangeons vrai », il y a vraiment une sorte de sensation de cri du cœur et vraiment de nécessité à agir rapidement parce qu’il y a une situation de santé publique qui est finalement déjà assez à la remonte et qui risque de s’aggraver si on ne fait rien dans les décennies à venir ?

A : Oui c’est exactement ça, c’est « Halte aux aliments ultras transformés » j’y tiens beaucoup parce qu’il y a beaucoup d’aliments transformés qui ne posent pas de problèmes pour la santé. Et donc ce qui était très important c’est qu’au sein de tous ces aliments transformés, il fallait vraiment distinguer la catégorie qui pose problème. C’est-à-dire les ultras transformés (j’y reviendrai sur la définition). Parce que l’humanité mange transformée depuis, on va dire la nuit des temps, quand on est passé du cru au cul on a commencé à transformer les aliments. La transformation en elle-même ne pose pas de problème. On peut manger transformé tous les jours et on peut même manger des aliments industriels qui sont normalement transformés sans problème pour la santé. Il était important de bien identifier au sein de tous ces aliments les ultras transformés. Ce qui d’ailleurs, paradoxalement va rendre service à l’industrie. Parce que souvent dans la tête des gens, transformé veut dire industriel et mauvais pour la santé, donc ça permet au contraire de dire aux gens : non il ne faut pas faire cette équation simpliste, ce qui pose problème c’est vraiment une catégorie d’aliment (je pense qu’on aura le temps de bien les définir parce que c’est important).

Oui c’est un cri du cœur, c’est le cri de quelqu’un qui pense vraiment que si on continue comme on fait, la situation ne va pas s’améliorer malgré les sommes importantes de connaissance que l’on a en nutrition. D’ailleurs la preuve, c’est que l’espérance de vie en bonne santé n’augmente pas parce qu’elle est de 64,5 ans pour les femmes aujourd’hui et de 62,5 ans pour les hommes, mais ça n’augmente pas vraiment. Donc il y a un danger de santé publique qui est vraiment fondamental parce que, comme on vit de plus en plus longtemps en mauvaise santé donc les années vécues en mauvaise santé (21 ans pour les femmes et à peu près 19 ans pour les hommes) c’est un coût socioéconomique gigantesque pour la sécurité sociale, etc. Et on voit bien que les courbes de toutes les grandes maladies chroniques en France continuent à augmenter, il n’y a pas de courbe qui s’infléchit, surtout pour la population adulte. Pour les plus jeunes c’est un tout petit peu différent on n’a pas forcément les mêmes courbes de progression. Puis pourquoi l’enjeu est important parce que derrière le produit ultra transformé, on a toute une dérive de notre système où l’aliment s’est mis au service de la techno et la techno n’est plus au service de l’aliment pour le rendre comestible, bon gout et sain nutritionnellement. On est vraiment là dans une logique de rentabilité de gain financier, donc on est dans une dérive qui a pris racine probablement dans les années 80 selon Carlos Monteiro, où on a vécu une arrivée massive de ces produits qui est totalement concomitante avec l’explosion des maladies chroniques. Donc aujourd’hui il faut faire du préventif, mais de manière beaucoup plus holistique si on veut pouvoir enrailler ces épidémies et inverser la tendance.

Enfin je dirai aussi pourquoi c’est un cri du cœur parce que l’aliment ultra transformé est une forme d’indicateur holistique. Je m’explique : c’est-à-dire que derrière l’aliment ultra transformé qui n’est que la partie émergée de l’iceberg, il y a la souffrance animale, la destruction de l’environnement, les inégalités sociales en termes d’alimentation, l’appauvrissement des petits paysans que ce soit en France ou dans le monde entier. Vous avez une dégradation du bien mangé ensemble, du repas en groupe. « Qu’est-ce que vous avez d’autre derrière ces produits ? » Vous avez évidemment l’utilisation de mono culture très intensive qui utilise des pesticides. Parce qu’en effet ces produits sont très standardisés dans le monde. Et comme ils sont très standardisés, qu’ils sont peu chers à produire et qu’ils se vendent en masse, plus l’humanité le consommera, plus ça va engendrer donc une destruction de l’environnement, de la souffrance animale, et une perte de biodiversité animale parce que les calories animales dans ces produits sont rarement issues d’animaux élevés en plein air en extensif et d’en bonne condition. Et évidemment il y a le risque pour la santé. Si vous voulez cette cible n’est pas anodine, c’est à dire que si, en France, dans le monde entier, les gens stoppent la croissance de la consommation de ces aliments, et bien on rentre dans un nouveau cercle vertueux qui va améliorer tous les autres indicateurs, un peu comme une pelote de ficelle qu’on déroulerait. Donc ce n’est pas une cible anodine et l’enjeu est évidemment non seulement français, mais mondiale. Parce que les courbes de progression de consommation de ces aliments notamment dans les pays émergences sont gigantesques. Donc si ces pays font les mêmes erreurs que nous, on est mal barré.

X : Du coup d’un point de vue maladie plutôt que de santé, est-ce que les courbes dans ces pays suivent la même tendance que ce qu’on peut constater nous dans notre pays qui consomme le produit depuis plus longtemps ?

A : Tous ces pays émergents d’Amérique du Sud, d’Amérique Central, ils ont vraiment des croissances de taux d’obésité diabète de type 2 qui sont en général les premières pathologies chroniques qui apparaissent qui sont totalement en adéquation avec la disponibilité des aliments ultras transformés. D’ailleurs, Carlos Monteiro a fait des études sur 19 pays européens et 15 pays d’Amérique notamment Centrale et du Sud, et il y a une corrélation très forte entre la disponibilité pour les ménages de produits ultras transformés et les taux d’obésité. Il y a bien une association qui est présente, qui doit alerter et qui doit donc encourager à limiter la consommation de ces produits pour le plus grand nombre par principe de précaution.

Il y a de plus en plus d’étude qui montre que ces produits sont associés à de nombreuses dérégulations métaboliques. Pour citer les plus importantes : vous avez l’obésité, le gain de poids, l’adiposité et la matière grasse corporelle pour les plus jeunes, le syndrome métabolique, l’hypertension, et puis récemment un lien a été montré que les cancers globaux et les cancers du sein dans l’étude NutriNet française. Et de nombreuses autres études sont en cours. Pour l’instant, on n’a aucune étude qui montre qu’en consommant régulièrement et excessivement ces propres produits notre santé va mieux. Si vous voulez, on a un faisceau de présomption qui est aujourd’hui largement suffisant pour appliquer le principe de précaution et alerter les gens.

X : Alors justement, c’est ce que vous disiez dans l’introduction, c’est qu’à priori on a basé les recommandations nutritionnelles sur un mauvais paradigme, mais finalement à la base, est-ce que vous pourriez rentrer un peu plus dans les détails sur les notions de réductionnisme et d’holistique ?

A : Pour faire simple, le réductionnisme, c’est une approche typiquement occidentale qui a été notamment formalisée par René Descartes. L’idée c’est de dire, puisque la réalité est trop complexe pour être étudié tel qu’elle, on va la fractionner en entité isolée et étudier les parties séparément. En gros, c’est 2 est égal à 1 plus 1, c’est-à-dire que tout est égal à la somme des parties. Ou pour dire les choses d’une manière un peu différente, en réductionnisme, on raisonne sur la base d’une voie de cause à effet linéaire. Pareil si je prends un exemple en alimentation : excès de sel – hypertension - maladie cardio-vasculaire. Donc on a une loi de cause à effet linéaire ou alors excès de cholestérol – hyper cholestérolémie – athérosclérose – ostéoporose (manque de calcium), ou éventuellement autre type de maladie osseuse.

Donc on est dans une relation qui associe un nutriment à une dérégulation métabolique et à une maladie chronique. Or on sait que ce n’est pas vrai. On sait qu’une maladie chronique déjà est le fruit de plusieurs dérégulations métabolique. Donc elles sont multifactorielles. On ne peut pas résoudre des problèmes multifactoriels et holistiques par essence avec des recommandations réductionnistes qui ne seraient focalisées que sur quelques nutriments. Et le raisonnement par nutriment ne fait le jeu que des industrielles qui tant qu’on raisonne par nutriment, eux sont plutôt assez contents parce qu’ils reformulent les aliments ultras transformés à l’infini en diminuant, augmentant, rajoutant, etc.

X : Juste pour donner un exemple concret, ce n’est pas par exemple si on prend le cas des céréales du petit déjeuner. Et ce n’est pas parce qu’on va ajouter tel type de vitamine que ça en fait un produit bon pour la santé. Parce que la façon dont ont été traités les différents composants de ces céréales fait que ça reste un produit ultra transformé qui ne va pas être… qui n’a pas d’intérêt !

A : On ne peut pas corriger en rajoutant des vitamines et des minéraux. Ça m’amène à la définition d’holisme. C’est selon le principe d’holisme que le tout est supérieur à la somme des parties, que 2 est supérieur à 1 +1 parce qu’il y a des interactions et des synergies entre 1 et 1. Et bien selon ce principe, une vitamine dans sa matrice naturelle alimentaire complexe va agir en synergie avec les autres composés. C’est cette synergie qui est protectrice. Si vous l’isolez et que vous le réintroduisez dans des aliments comme on le fait beaucoup dans les aliments ultras transformés pour leur donner une fausse image de santé, d’abord l’effet de synergie on ne sait pas ce qu’il est devenu il est probablement perdu. Et on ne sait pas ce que ça fait que de consommer ces nutriments remit souvent à des doses un peu plus élevées ou qu’on consomme régulièrement dans les aliments sur le plus long terme.

D’ailleurs la plupart des synthèses qui ont été faites sur les aliments que l’on réenrichit où les compliments nutritionnels, que ce soit par l’OMS avec un rapport, je crois, de 2004 ou 2007 (je ne me rappelle plus de la date exacte) ou même les synthèses que j’ai pu faire, on voit très bien les résultats sur le long terme à moyen et à court terme chez l’homme. De l’enrichissement ou bien de l’utilisation régulière de complément donne des résultats très décevants c’est-à-dire qu’on a souvent pas d’effet. Ou alors quand il y a des effets des fois il y a des études contradictoires où on n’a pas une évidence scientifique très solide et parfois même on peut avoir des effets délétères comme ça avait été mis en évidence dans les années 80 avec les fameuses études… . Pour faire simple et, je pense, c’est important de les citer parce qu’on voit bien quel est le problème du réductionnisme.

Les chercheurs avaient vu que les caroténoïdes sont des antioxydants assez forts. Et donc ça pourrait être intéressant, pourquoi pas, de les administrer à forte dose dans les populations pour protéger l’organisme notamment d’un stress oxydant élevé. Donc ils ont donné des compliments caroténoïdes à doses élevées à des fumeurs, et ils ont comparé avec un groupe de contrôle et ils ont regardé le risque du cancer du poumon pensant qu’ils allaient le réduire avec les caroténoïdes notamment le bêta-carotène. Et en fait non, le risque de cancer du poumon a augmenté dans le groupe qui consommait les bêta-carotènes parce que, sorti de sa matrice et administrer à forte dose le bêta-carotène antioxydant n’est plus protecteur pour l’organisme. Il y aurait d’autres exemples pour illustrer que cette vision réductionnisme ne peut pas marcher ou alors elle va donner des effets très court-termistes qui vont être exploités par, évidemment, l’industrie.

Mais si on veut avoir des effets durables à long terme, il faut vraiment revenir à des approches beaucoup plus globale et holistique vers de vrais aliments. Et donc l’approche holistique de l’alimentation c’est considéré que la potentielle santé de l’aliment dans sa globalité est plus protecteur que la somme du potentiel santé des nutriments isolés. Et le paradoxe de l’approche réductionniste aujourd’hui, c’est qu’il est plus rentable finalement de vendre les ingrédients et les nutriments isolés de l’aliment natif que l’aliment natif. On est dans une logique réductionniste poussé à l’extrême qui fait qu’il y a plus de rentabilité avec les ingrédients qu’avec les aliments bruts de départ.

X : Oui parce qu’on peut recréer les vitamines et les minéraux en laboratoire, du coup ça coute moins cher que de prendre un légume et d’en exploiter les propriétés, c’est ça ?

A : Disant que des ingrédients alimentaires sont produits en masse dans le monde à partir de mono culture intensive de maïs, de blé, de soja et autres grains et graines. On a développé une agriculture intensive que produisent en masse ces ingrédients par fractionnement au cracking des aliments. Ils sont peu chers à être utilisés. On utilise en masse dans les aliments ultras transformés qui permettent aussi de réduire la part de vrais aliments dans les produits ultras transformés de matière noble. Donc on peut réduire ainsi l’apport de céréale complète, l’apport de poisson, l’apport de viande. Et on substitut avec des texturants, des ingrédients des additifs pour essayer de redonner une seconde vie aux aliments.

Le système fait qu’aujourd’hui ce sont des aliments qui sont peu chers à produire et très rentables parce qu’ils sont consommés en masse et on les a rendus très appétents. Ensuite c’était les grains pour favoriser l’acte d’achat. Donc c’est la logique typiquement réductionniste. Alors ça ne veut pas dire qu’il ne faut plus de réductionnisme en alimentation. Puisqu’on a toujours besoin de décortiquer le mécanisme, mais il faut vraiment redonner toute sa place à l’approche holistique et revenir à des vrais aliments. Puis quand c’est nécessaire, pourquoi pas mener des recherches réductionnistes pour décortiquer un mécanisme. Mais il faut que ça ait été pensé globalement, pour que le réductionnisme redevienne vertueux, il doit s’inscrire dans des logiques holistiques.

Par exemple la société occidentale, quel est le problème éthique de société, l’explosion des maladies chroniques ? On est face à un problème complexe, on le pense d’abord globalement. Et puis on essaye de trouver des solutions à cette question éthique sociétale et holistique. Et pourquoi pas on peut mener des recherches un peu plus poussées, plus réductionnistes, mais dans ce cadre pour que ce soit vertueux. Or aujourd’hui, le réductionniste s’est totalement déconnecté des questions globales de société. Il tourne sur lui-même, devient théorique, coupé de la réalité. Et il ne nourrit plus la pensée holistique et globale et il n’est plus qu’au service finalement des intérêts financiers. Donc on est un peu dans cette logique qui n’est plus vertueuse. On est dans un réductionnisme au service de l’argent alors qu’il faudrait revenir à un cercle vertueux holistique au service de l’humain. Donc j’espère que ce n’est pas trop compliqué, mais c’est important de bien comprendre les mécanismes, où on en est aujourd’hui, faire le bon diagnostic parce que si on ne fait pas le bon diagnostic et peut bien continuer les recherches pendant encore 1000 ans ça ne changera pas grand-chose.

X : Il y a même aussi une autre façon d’aborder la question. Par exemple si on prend la question des additifs alimentaires par rapport à cette approche réductionniste. C’est qu’en général — de ce que j’en sais ou de ce que j’ai cru comprendre — finalement, un nouvel additif alimentaire va être testé, mais en tant que tel, pour définir par exemple on ne doit pas consommer plus de temps de mini gramme de cet additif dans la journée ou sur une période de 24 heures. Sauf que, là encore, vraiment on est dans cette approche réductionniste où on ne teste que les effets de cet additif dans une phase de test et on ne parle jamais finalement de la multiplication des additifs parce que dans les produits ultras transformés en général, on n’a jamais qu’un seul additif qui est présent dans les produits.

A : C’est un très bon exemple de la dérive réductionniste où la pensée réductionniste pose plus une question de rentable qu’une question éthique de société. C’est ce qui la motive quand elle est déconnectée de la réalité. Et les additifs, on utilise des designs expérimentaux très réductionnistes, très court-termistes, pour mettre sur le marché des produits alors qu’il faudrait faire le tour de la question de manière holistique c’est-à-dire ne pas avoir peur de la complexité. Et cette complexité c’est d’abord de tester ces molécules sur un temps beaucoup plus lent, peut-être d’étudier les interactions et d’autres additifs. Ça pourra être d’étudier l’effet de ces additifs sur la fleur cholique parce que certains travaux émergent et montrent que des additifs qui n’étaient pas classés à risque sembleraient perturber notre fleur bactérienne dans un mauvais sens.

En fait quand on est dans une logique de mission de marché de marketing, on ne fait pas le tour de la question, on se base sur une évidence scientifique finalement pas très solide pour essayer de mettre rapidement sur le marché des produits. Et donc c’est une erreur. Il faudrait faire le tour de la question, prendre le temps de réunir des chercheurs d’horizons variés. Une fois qu’on est sûr holistiquement à 100 %, là on peut effectivement commercialiser, mais il faut faire le tour de la question et prendre son temps on n’est pas obligé de toujours vouloir aller vite. Donc là on est bien l’opposition des deux logiques, holistique et réductionniste.

Alors les deux doivent coexister harmonieusement. On fait deux erreurs aujourd’hui. C’est-à-dire que le réductionnisme est devenu tellement prégnant qu’il en est devenu presque dogmatique, voire arrogant. Toute approche qui s’éloignerait de sa logique serait vue de haut, mal considérait. C’est la première erreur qu’on fait, ne pas donner assez de place à des approches plus transversales et holistiques.

Et la deuxième erreur c’est qu’on va du spécifique au général. On généralise à partir du spécifique. Je vais prendre des exemples qui sont liés au grand public. Quand on réduit les agrumes à la vitamine C, le lait au calcium, la viande aux protéines ou les céréales complètes aux fibres, on réduit bien le potentiel santé d’un aliment à un seul constituant. Donc c’est très utile pour le privé, les industries, parce que ça permet de faire des messages marketing alléchants. Mais on n’aide pas le grand public ! Les agrumes c’est beaucoup plus que les vitamines C, c’est le tout qui est protecteur, ce n’est pas que la vitamine C. Et donc sur cette base-là, on se dit si finalement les agrumes, c’est la vitamine C eh bien, on va prendre des compléments de vitamine C, on va enrichir en calcium. Si on dit que la viande, finalement, on la résume à une source de protéine, ça laisse à penser dans la tête des gens finalement que les produits végétaux ne sont pas des sources de protéines intéressantes.

Donc vous voyez que le réductionniste est très dualiste et presque manichéen et aboutit à des simplifications qui ne sont pas vraies par rapport à la réalité. Et donc on ne peut pas continuer comme ça. Il faut apporter deux corrections, redonner plus de place à l’holisme et toujours raisonner de l’holisme vers le réductionnisme, c’est-à-dire du complexe vers le particulier. Et là, on revient dans une logique vertueuse qui devient vraiment très intéressante et qui va bénéficier réellement à la société et qui nous permettront de faire des recommandations alimentaires holistiques, etc.

X : Alors la notion de transformation n’est pas forcément très connue auprès du grand public, et est-ce que vous pourriez justement nous donner les différents niveaux de transformation qui peuvent exister et comment on peut classer un aliment ?

A : Effectivement c’est très important de bien définir ce que c’est qu’un aliment ultra transformé. Alors pour bien le comprendre en fait, ce concept a été défini en 2009-2010 par Carlos Monteiro et son équipe. C’est le premier au monde à avoir défini scientifiquement ce produit et à avoir proposé une nouvelle classification des aliments en fonction du degré de transformation qui a pris naissance au début des années 2010 pour être publié en 2014 dans un journal scientifique. Donc il distingue 4 groupes. Donc c’est une classification très holistique, très globale, très simple. C’est la classification « nova » qui veut dire « nouveau » en portugais.

Donc il y a des aliments pas peu transformés qui sont les aliments bruts auxquels on ne rajoute aucun ingrédient particulier. Les additifs de type antioxydant conservateurs sont tolérés, quand ils permettent de préserver l’aliment ou de le conserver. Donc on va trouver tous les poissons, les viandes, les fruits et légumes qui peuvent être découpés et tranchés éventuellement, ayant subi des traitements thermiques. Mais on n’ajoute rien à l’aliment. Ensuite il y a les ingrédients culinaires qui sont les ingrédients qu’on peut utiliser à la maison, qui sont pour la plupart d’entre eux extrait du groupe 1., des aliments bruts (les huiles, le beurre, la crème, le sucre de table qu’on extrait de la betterave ou de la canne à sucre. On peut trouver aussi le sel qui est extrait de la nature ou des épices. Le groupe 3 qui est une combinaison des aliments brut ou peu transformé auquel on rajoute des ingrédients culinaires pour assaisonner, soit pour préserver les aliments plus longtemps avec le sucre ou le sel par exemple. On a toute l’alimentation traditionnelle que l’on peut rencontrer dans différents pays. On a tous les produits fermentés, comme les fromages, les pains. En fait on est vraiment dans une transformation service de l’aliment soit pour en améliorer le gout par la fermentation, ou la conservation avec le sel, le sucre, le fumage, le salage, la fermentation, etc. Et on peut aussi augmenter la qualité nutritionnelle on sait que les fermentations des grains et graines, la préfermentation peut en augmenter la qualité nutritionnelle. Jusque-là, ça va. On est dans 3 groupes qui peuvent constituer la base de note alimentation, en favorisant évidemment les aliments peu, transformés. C’est ce que mettent en avant les Brésiliens.

Et le break, on arrive vraiment dans les années 80 avec l’arrivée massive des ultras transformées, donc la définition est assez simple. Ce sont des aliments qui contiennent au moins un ingrédient et/ou additif de type cosmétique et d’utilisation strictement industriel pour restaurer, imiter ou exacerber, gout, texture et couleur. On est vraiment dans des ingrédients et additifs cosmétiques, pourquoi cosmétique, parce qu’ils sont là pour restaurer des propriétés d’un aliment qui ont été perdu lors de l’ultra transformation. Et qu’est-ce qu’on restaure ? Le gout, la couleur, et la texture. On peut même restaurer la densité nutritionnelle en rajoutant des fibres, des minéraux et des vitamines si elles ont été perdues. On est bien dans une logique en fait de maquillage d’un produit, de restauration d’un produit. Parmi les ingrédients et additifs de type cosmétique, on peut trouver les colorants, les exhausteurs de gout, les texturants, le gluten, par exemple le sucre invertit, le sirop de glucose fructose, le bêta-carotène en tant qu’additif ou colorant, etc.

Donc il en suffit d’un pour que l’aliment bascule dans l’ultra transformation parce que les vrais aliments n’ont pas besoin que l’on restaure leur texture, leur goût, et leur couleur. Ils se suffisent à eux même en fait. On est dans une définition très simple, c’est produire d’autres attributs. Ils sont dans des emballages souvent très colorés, très attractifs avec des promotions. Des personnages univers des enfants pour favoriser l’acte d’achat et souvent enrichi en sel, sucre et gras parce que ce sont les 3 nutriments les plus addictifs et qui donnent envie d’y revenir même si on a plus faim. On a tous l’expérience de consommer des confiseries, alors qu’on avait plus faim, des chips, etc. C’est des aliments assez faciles à reconnaitre et on voit bien ici que la technologie n’est plus au service des aliments, mais on est vraiment dans une logique commerciale, marketing.

Qu’est-ce qu’on pourrait dire d’autre sur ces aliments ? Ils ont 3 caractéristiques. Pourquoi posent-ils problème pour la santé lorsqu’ils sont consommés régulièrement ? Alors moi je préconise de ne pas dépasser 15 % de calories quotidiennes. C’est à dire au grand maximum 2 portions par jour. C’est qu’ils sont peu rassasiants, hyperglycémiants, donc source de sucre rapide et très riche en énergie et pauvres en composés protecteurs qui sont les fibres les minéraux, les vitamines et les antioxydants. Ces 3 propriétés combinées, quand vous faites la base de votre alimentation avec ces aliments, ouvrent la voie au diabète de type 2, au surpoids et l’obésité et ensuite vers des maladies plus grave, comme les maladies cardio-vasculaires, certains cancers, la stéatose hépatique, notamment la maladie des sodas qui sont riches en fructose et qui donne le foie gras ou la stéatose hépatique etc. Voilà donc on est dans cette logique.

En France on consomme (c’est des grosses approximations), mais ça donne une idée 36 % par jour en calorie quotidienne d’aliment ultra transformé. Dans les pays anglo-saxons, on peut dépasser allègrement les 40-50 %. Dans les pays d’Amérique du Sud, on est plutôt au-delà des 25 % donc un peu moins. Mais le problème est que le taux de croissance est très élevé. Chez nous le taux de croissance est bas parce que le marché est un peu saturé. Donc maintenant les industriels vont vers ces pays émergents ou en développement ou là le marché est très ouvert et il y a beaucoup de place pour ces aliments ultra transformé qui tendent à se substituer aux aliments plus traditionnels ce qui est très dangereux à la fois pour les cultures et les traditions, pour les petits paysans et les cultivateurs locaux. Parce que ce sont des éléments très standardisés. La formation d’une barre chocolatée bien connue est la même à New York qu’à Paris donc on est dans une uniformisation de l’alimentation, il est donc très important de prévenir les gens, de vraiment limiter la consommation de ces aliments. Ça ne veut pas dire qu’ils ne peuvent pas expliquer, ils ont probablement un rôle à jouer dans la société, mais comme produit de niche, d’exception, pas comme la base de l’alimentation.

X : Du coup on va parler de cette nouvelle classification et je sais qu’on constate un peu tous dans nos magasins au cours de ces derniers mois et ces dernières semaines c’est qu’en France il y a le fameux Nutri-score, après moult débat, et expérimentation qui commence à arriver, de plus en plus présents dans les magasins, et du coup qu’est-ce que vous pensez de cette mesure ?

A : En fait le Nutri-score il est basé sur quelques nutriments à limiter et des nutriments plutôt encouragés et puis sur le taux de fruit et légume dans l’aliment. Donc il est dérivé d’un index anglais. Il fait partie de tous ces scores qu’on qualifie de réductionniste. C’est à dire qui réduit l’aliment à une somme de nutriment. Il y a deux problèmes. D’abord l’aliment n’est pas une somme de nutriment. C’est un tout. Et donc dans le potentiel santé de l’aliment vous avez aussi l’effet matrice. Ça veut dire que 2 aliments qui ont la même composition, mais une matrice ou une structure différente n’ont pas le même effet sur la santé. Donc consommer des amandes entières ou broyées ce n’est absolument pas pareil pour la santé en termes de métabolisme des lipides ou de proportions lipides absorbées par votre muqueuse digestive. Donc le Nutri-score ou d’autres scores vont donner une même note alors qu’en fait ce n’est pas du tout la même chose pour la santé.

Vous pouvez avoir aussi des céréales rapides sources de sucre rapide et d’autres sources de sucre lent avec une même note et on sait bien que ce n’est pas du tout la même chose pour la santé. Ça c’est le premier, je dirai accueil, c’est-à-dire que les scores réductionnistes ne rendent pas compte du véritable potentiel santé des aliments ni de la présence d’additif et d’ingrédients de type cosmétique. Ensuite l’autre problème c’est que les maladies chroniques sont multifactoriels et ne font pas intervenir que l’alimentation, elles font intervenir aussi des paramètres psychosociologiques. C’est à dire on ne peut pas résoudre par exemple l’obésité qui est une maladie multifactorielle qui fait intervenir évidemment une mauvaise alimentation comme premier levier, mais aussi la baisse de l’activité physique, la sédentarité, le stress le manque de sommeil, un contrôle parental qui pourrait être trop strict ou trop lâche, aussi lié à l’obésité. Il peut y avoir le stress, il peut y avoir aussi la génétique.

On ne peut pas résoudre, on est typiquement dans la logique réductionniste où on essaye de résoudre des problèmes qui sont par essence complexes et holistiques avec une solution réductionniste et théorique. On va de la science vers la société alors qu’il faudrait aller de la société vers la science. Donc si on veut résoudre l’obésité il faut le mettre en place. On est dans un environnement obésogénique multifactoriel, il faut essayer de jouer sur différents niveaux si on veut vraiment lutter contre les maladies chroniques. D’ailleurs on voit bien que tous les régimes à base de nutriment ou de calorie à éviter ont échoué puisque la courbe de l’obésité en France continue à augmenter. Donc si cette approche par nutriment était efficace, je pense que ça se saurait. Plus de 90 % des gens qui font des régimes réductionnistes arrêtent et souvent même reprennent plus de poids après qu’ils n’en avaient au départ.

Donc on voit bien toutes les limites de cette approche, je pense que l’étape qu’il faudrait intégrer maintenant c’est le degré de transformation des aliments et puis des scores holistiques qui prendraient en compte tout potentiel santé de l’aliment. Pas seulement les nutriments, mais aussi, comme je le disais le degré de transformation, les additifs, le degré de transformation aussi des ingrédients. Un sirop de fructose n’est pas pareil qu’un sucre de table qui n’est pas pareil avec un miel. Une huile hydrogénée n’est pas pareil qu’une huile raffinée classique et n’est pas pareil qu’une huile vierge première pression à froid. On a aussi des degrés de transformation dans les ingrédients. Voilà donc il faut essayer de s’approcher de cette vision globale de la potentielle santé si on veut aboutir à des effets durables à long terme.

Donc moi je prône de manière très urgente à aller vers des index holistiques et des recommandations nutritionnelles holistiques qui tiennent vraiment compte de la réalité de la société quoiqu’il n’en soit pas déconnecté. Parce qu’on dit manger moins gras moins salé, moins sucré. Ça peut effectivement être porteur de valeur en soi, mais on ne mange pas des nutriments on mange des aliments donc il faut faire les recommandations sur ce qu’on met d’abord dans la bouche, c’est-à-dire l’aliment et sa matrice. Or aujourd’hui on ne fait pas de recommandation sur ce qu’on met dans la bouche de manière suffisante. Il y a des efforts qui sont faits, il faut les reconnaitre et je pense qu’il faut vraiment aller beaucoup plus loin.

X : Et aujourd’hui il y a quelque chose qui existe, l’équivalent au Nutri-score qui prendrait en compte cette vision plus holistique d’un aliment ?

A : C’est le projet Siga que j’ai développé. J’ai été contacté il y a 1 an et demi par des personnes qui justement étaient au Brésil. Et qui se sont alarmés de la situation brésilienne et qui m’ont contacté parce qu’ils voulaient justement travailler sur le bas de la classification nova à développer une classification holistique. Donc c’est une startup qui a été créée par Aris Christodoulou et je suis le président scientifique de ce comité scientifique. Pendant 1 an et demi, on a répertorié pratiquement plus de 12 000 ingrédients utilisés dans le monde entier. On a fait toute la séance possible et inimaginable sur les liens entre ingrédients aliment et santé.

On a pris en compte le degré de transformation de ces ingrédients pas seulement des aliments. Donc on est parti de novas qui sont des groupes holistiques. Mais si on suit donc le logiciel que je définis, c’est à dire, d’abord être holistique et ensuite utilisé le réductionnisme quand c’est nécessaire et bien Siga essaie e combiner cette approche. C’est-à-dire qu’on est parti de groupe très simple holistique nova qui est bien comprise du grand public. Et on a voulu développer un outil, un algorithme qui permette d’approcher et de dialoguer avec les entreprises et la grande distribution. Donc on s’est dit 4 groupes ça ne sera pas suffisant parce qu’il manque des paliers. On est parti des 4 groupes et puis on a rajouté 4 sous — groupes qui sont du coup des sous-groupes un peu plus réductionnistes. Et on a 8 groupes technologiques donc on a un index très holistique parce qu’il prend en compte l’effet matrice d’aliments, le degré de transformation, il prend en compte les teneurs en sucres et les gras, donc ça, c’est l’aspect un peu plus réductionniste. Il prend en compte la nature, la fonction, le nombre d’additifs, et le risque. Il prend en compte les ingrédients à ajouter et les degrés de transformations c’est-à-dire pour nous, ce n’est pas pareil un sirop de glucose qu’un sucre de table ou qu’un miel.

On a fait un algorithme qui dispatche les aliments dans les 8 groupes technos et on arrive vraiment à une classification qui est en lien avec la santé et qui est vraiment très intéressante, on n’a pas d’aberration de classement par rapport à ce qu’on sait. Évidemment, c’est un classement évolutif, c’est-à-dire que si on a une nouvelle donnée de nouveaux rapports d’expertise ou de nouvelles données scientifiques, l’algorithme peut évoluer en fonction de ces nouvelles données. Mais c’est un outil qui est intéressant. Par exemple dans les ultras transformés on a fait 3 sous-groupes. Dans les aliments transformés, on a fait 2 sous-groupes. Dans les aliments bruts, on a fait 2 sous-groupes. Par exemple dans les aliments bruts on a pris en compte l’effet matrice. Donc on a fait les aliments bruts avec un effet matrice conservé et puis les aliments bruts pour lesquels l’effet matrice a été altéré.

Donc ça fait, on va dire groupe A0 A1. Dans les aliments transformés auquel on ajoute des ingrédients culinaires, on a trouvé que c’était important de prendre en compte la quantité de sucre et les gras. Pour nous ce n’est pas pareil de mettre 5 morceaux de sucre que 1, et donc on a créé les groupes B1 B2 et puis dans les ultras transformés en fonction de critère plus réductionniste on a intégré les additifs, le degré de transformation des ingrédients, les teneurs en sucre et les gras. Et on a créé 3 sous-groupes C1 C2 C3. Donc on est dans une combinaison de l’holisme et du réductionnisme et on est parti de l’holistique pour aller vers le réductionnisme. On a essayé d’appliquer la philosophie et ce nouveau logiciel. Et donc cet algorithme est disponible maintenant. On travaille maintenant vers ce score qui nous parait plus global et plus holistique.

X : Super ! Vous avez parlé aussi dans votre livre de 3 règles d’or pour une alimentation qui soit à la fois saine, éthique et durable. C’est vrai qu’on n’a pas forcément beaucoup parlé jusqu’à présent, mais finalement si on veut avoir une bonne santé en général ça passe aussi par le type de produit qu’on consomme et par leur qualité à la base et pour ça il est nécessaire d’avoir un système de production qui soit à la foi respectueuse dans l’environnement qui soit capable de nourri tout le monde. Alors je veux bien vous laisser la parole pour parler de ces règles d’or, et puis je vous laisse, comme on arrive au bout des 45 minutes qu’on s’était planifié, je vous laisse prendre le temps que vous vouliez puis on s’arrêtera là-dessus.

A : Merci, oui je pensais bien terminer par les 3 règles d’or pour une alimentation saine, durable et éthique. Parce que je, voilà, c’est bien de faire un constat, donc en fait, quelle a été ma logique ? C’était de faire le constat qui avait déjà été fait par les Brésiliens, et de bien étudier la relation entre degré de transformation des aliments et santé, ce qui est d’ailleurs mon projet de recherche actuel en tant que chercheur. Ensuite j’ai voulu comprendre quelles étaient les causes de tout ça, mais les causes profondes, philosophiques presque, donc ç’a été les approches holistiques et réductionnismes. Ensuite je me suis dit donc maintenant il faut trouver, essayer d’élaborer les recommandations qui soient à la fois scientifiques, mais holistiques, c’est-à-dire s’affranchir des nutriments, parce qu’on ne mange pas les nutriments des aliments. Donc ce sont plutôt des recommandations très simples vous allez voir qu’on peut appeler aussi la règle des 3 V. Parce que si vous voyez toute la science, que ce soit les études chez l’homme, chez l’animal, in vitro (c’est-à-dire des dosages ou des choses comme ça), toute la science convergera à un régime universel protecteur, c’est un régime riche en produits végétaux, donc le premier V, ils sont vrais, donc des vrais aliments donc des produits végétaux peu transformés et variés.

Alors pour détailler ces règles, le 1er V donc végétal ça veut dire qu’il faut favoriser les calories végétales sur l’animal, c’est très important. Alors j’ai oublié de dire que ces 3 règles, elles sont non seulement holistiques parce que l’on s’affranchit des nutriments et qu’elles englobent les besoins nutritionnels de manière naturelle, mais elles sont aussi holistiques parce qu’elles permettent de protéger à la fois la santé humaine, le bien-être et la biodiversité animale, et l’environnement que ce soit pollution, climat et biodiversité. Donc cette 1re règle c’est très important de consommer plus de calories végétales pour répondre à ces 3 dimensions de la vie sur terre, donc humaine, animale et environnementale. Donc je recommande de ne pas dépasser 15 % de calories animales alors le détail de cette recommandation et l’explication se trouvent dans mon bouquin. Je suis en train d’écrire l’article scientifique aussi pour bien les détailler. Ensuite dans les calories animales et végétales, il ne faudrait pas dépenser 15 % de calories ultra-transformées c’est-à-dire en gros 2 portions par jour grand maximum, oui c’est très simple. Et ensuite dans les produits qui ne sont pas ultra-transformés, mangez variés et si possible bio local et de saison. Parce que si vous mangez variés des produits ultras transformés comme c’est des produits raffinés et très peu riches en fibre antioxydante minérale et vitamines, mangez variés dans l’ultra-transformés c’est plutôt manger des marques variées, donc ça ne change pas grand-chose. Il faut manger varié, mais dans les produits plutôt bruts ou peu transformés. Donc ces 3 règles sont interconnectées, j’ai beau réfléchir je n’en trouve pas une 4e, et j’ai beau réfléchir si j’en supprime une des 3 il manque quelque chose.

Par contre en respectant les 3 V, vous voyez que c’est très simple, il y a plus besoin de se préoccuper du sucre, du sel, du gras. Il y a plus besoin de se préoccuper de ces besoins nutritionnels parce qu’on est sûr de les remplir. Donc je voulais élaborer des règles simples pour les grands publics faciles à retenir. Le réductionnisme nous a emmenés dans une grande confusion. Un coup on a dénigré le grain, après on a dénigré le sucre, ensuite on a dénigré les produits laitiers, les produits céréaliers, la viande, le beurre, le cholestérol, les œufs et on voit bien que tout ça est remis en cause et ce que j’aimerais faire comprendre c’est que cette confusion s’explique très simplement par la pensée réductionniste qui a voulu généralisé à partir de nutriment isolé ou de super aliment. Mais quand on revient à une vision globale de l’ensemble, tout devient d’une simplicité enfantine. Et cette simplicité enfantine j’ai voulu la traduire parle la règle des 3 V qui peut se décliner partout dans le monde en respectant les différentes dimensions de la durabilité. Par exemple on peut très bien appliquer les 3 V en fonction de ce qu’on produit localement, on peut donc favoriser les lentilles, dans le nord de la France on peut favoriser les pommes de terre.

Elles peuvent se décliner en fonction des réalités locales ce qui m’a amené à développer aussi le concept de régime sain régionalisé pour sortir des régimes sains dogmatiques parce que tout le monde ne pourra pas manger le régime Okinawa ou méditerranée sur toute la planète. Ce n’est pas vrai. Les réalités sont différentes. Je voulais que ces règles soient suffisamment génériques scientifiques et holistique pour être décliné ensuite localement en fonction des réalités locales. Donc c’est des règles très simples à retenir j’ai envie de dire aux gens, le meilleur régime pour perdre du poids c’est d’appliquer les 3 V et de revenir à de vrais aliments sans vous préoccuper ni des calories, ni du sucre, ni du gras. C’est très simple en fait, les choses sont tellement simples que des fois, c’est vrai que ça fait un peu bouillir de voir la confusion qui existe dans la société.

X : Est-ce que vous connaissez la notion de zone bleue ? C’est quelque chose qui vous parle ? Ça me vient à l’esprit parce que dans un des précédents épisodes du podcast on a parlé de ça avec un autre invité. Les zones bleues en fait ce sont 5 zones qui ont été identifiées en F dans le monde. En fait ce sont des zones où la proportion de centenaires en bonne santé est plus importante qu’ailleurs dans le monde. Donc ça fait une vingtaine d’années que ces zones sont étudiées et donc ils ont essayé d’extraire un certain nombre de principes qui font qu’a priori, les personnes qui vivent dans ces régions-là vont avoir une espérance de vie en bonne santé qui va être plus importante que la normale. Et donc ils ont sorti 9 recommandations, et finalement les 3 règles dont vous venez de nous parler correspondent exactement à ce qui a été identifié dans cette zone-là. Les personnes qui nous écoutent et qui veulent peut-être aussi en savoir un peu plus sur ce sujet-là peuvent aller écouter le 14e épisode du podcast et comme ça vous aurez des infos.

A : En revenant a une alimentation vertueuse à base de vrais aliments où on peut gagner de nombreuses années d’expérience de vie en bonne santé. Ça en vaut la chandelle. Parce que de vivre jusqu’à 70 ans avec plein d’énergie, en fait pour conclure définitivement, l’alimentation devrait rendre joyeux et plein d’énergie vitale, elle ne devrait pas nous rendre malades. Malheureusement, c’est de moins en moins le cas donc c’est qu’il y a quand même un problème quelque part.

X : Et bien merci pour toutes les informations, alors les personnes qui nous écoutent où est-ce qu’elles peuvent aller pour en savoir plus sur ce que vous faites et sur vos activités ?

A : Tous mes articles de vulgarisations ou certaines interventions médiatiques qui sont un peu vulgarisées, on peut me suivre facilement sur LinkedIn, Facebook et Twitter. Il suffit de taper Anthony Fardet. Et pour les gens qui veulent aller un peu plus loin sur des articles un peu plus pointus ou scientifiques qui sont publiés dans ce qu’on appelle les journaux et comité de lecture, toute mon activité de chercheur peut se trouver sur « Research Gate » c’est le Facebook des chercheurs, le plus utilisé au monde qui réunit plusieurs millions de gens qui travaillent dans la recherche qui est très exhaustive, vous pourriez trouver toute mon activité de chercheurs éventuellement même toute présentation orale que je fais dans les congrès pour ceux qui veulent éventuellement réutilisé certains éléments que j’ai développés aujourd’hui.

X : Merci beaucoup Anthony !

A : Merci Xavier !